Nuevo y penoso escándalo. Gallimard, editor histórico de Heidegger, en francés, ha renunciado a publicar una colección de ensayos que salen al paso de un libro titulado Heidegger, l’introduction du nazisme en philosophie, denunciando una manipulación de la peor especie política.
Aparentemente, Gallimard pudiera haber cedido a las presiones de un cierto “terrorismo” intelectual.
Sin entrar personalmente en la polémica, muy cruda, a título “entomológico”, como documentos de trabajo y “memoria”, recojo las crónicas publicadas al respecto por Le Figaro y Le Monde:
LE FIGARO, 28 septiembre 2006
Gallimard renonce à publier un livre sur Heidegger
Paul-François Paoli
La non-parution d’un ouvrage consacré au penseur allemand suscite surprise et interrogation
HEIDEGGER à plus forte raison ne verra pas le jour chez Gallimard. Ce projet d’ouvrage collectif – qui devait paraître à la rentrée et se voulait, tout autant une élucidation des liens entre la pensée de Heidegger et son attitude personnelle durant la période nazie, qu’une riposte à Emmanuel Faye qui a défrayé la chronique l’an dernier avec son livre Heidegger, l’introduction du nazisme en philosophie (1) – a été brusquement interrompu.
Pour François Fédier, philosophe et traducteur de Heidegger, les éditions Gallimard ont craint un procès de la part d’Emmanuel Faye, dont les compétences philosophiques et linguistiques étaient mises en cause par les auteurs de l’ouvrage et qui, selon ceux-ci, se serait livré à des «intimidations», en envoyant aux journalistes des mises en garde sur le contenu du livre à paraître.
Des « révisionnistes » déguisés
Outre la contribution de François Fédier, qui a consacré sa vie à l’oeuvre du penseur allemand, Heidegger à plus forte raison comprenait celles de Marcel Conche, professeur à la Sorbonne, et de philosophes comme Gérard Guest ou Pascal David. L’ensemble du livre était une réfutation de la thèse d’Emmanuel Faye, accusé par les auteurs de considérer la pensée de Heidegger comme une gnose totalitaire sophistiquée et de percevoir les heideggeriens tel François Fédier comme des « révisionnistes » déguisés.
Pour ce dernier, l’obsession anti-heideggerienne d’Emmanuel Faye, maître de conférences à l’université de Nanterre, relève de la « paranoïa » : « Je n’avais pas au départ le projet de réfuter la thèse de Faye, tant elle est aberrante ; c’est Marcel Gauchet, le directeur du Débat chez Gallimard, qui m’a suggéré de le faire, parce que pour lui le livre de Faye relevait de la police de la pensée et dépassait les bornes de l’acceptable sur le plan de l’honnêteté intellectuelle. »
Point de vue partagé par Pascal David, philosophe et germaniste, qui enseigne à l’université de Brest et n’hésite pas à parler d’une « petite affaire Kravchenko ». « Faye est un mauvais germaniste qui commet des contresens sur les mots employés par Heidegger, affirme celui-ci, qui regrette que sa thèse complaisemment relayée par Roger Pol Droit ait nourri une campagne éhontée contre le penseur à travers Le Monde, Le Point, Le Nouvel Observateur et Libération. »
Chez Gallimard, on réfute l’idée qu’une quelconque pression médiatique soit à l’origine de l’abandon du projet ; mais l’on admet que le livre comportait des « passages gênants », notamment une défense par Fédier de Jean Beaufret, introducteur et ami de Heidegger en France après la guerre, qui fut accusé de propos « négationnistes ». Un point que conteste Fédier qui affirme avoir modifié son texte sur ce sujet pour éviter les malentendus.
«Le livre paraîtra ailleurs»
En outre, la polémique et la trop grande « personnalisation » du débat, qui ne sont pas « le genre de la maison » ont certainement joué dans l’interruption du projet. De son côté, Philippe Sollers, éditeur chez Gallimard qui a consacré le numéro du mois de juin de la revue L’Infini à Heidegger et soutenu l’initiative de François Fédier, regrette vivement l’abandon du projet. « Il y a une volonté étrange de la part d’un certain nombre de gens de mettre Heidegger dans une bibliothèque nazie pour mieux éviter de le lire alors que son oeuvre fait partie du programme de l’agrégation de philosophie. » Sollers ajoute : « Et l’on voit aujourd’hui des médias comme le Nouvel Observateur consacrer leur une aux SS, à partir du livre très vendeur de Jonathan Little, et dans le même temps dénigrer un penseur fondamental, au nom de l’antifascisme. »
Heidegger à plus forte raison sera-t-il publié ? Pour François Fédier, cela ne fait pas de doute. « Je ne sais pas encore chez quel éditeur on publiera ce livre, mais il paraîtra », conclut celui-ci, qui refuse tout débat direct avec Emmanuel Faye.
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LE MONDE DES LIVRES, 28 septiembre 2006
Heidegger à perdre la raison
Jean Birnbaum
Dans l’obscure chambre de service qui lui tient lieu de cabinet philosophique, François Fédier ne décolère pas. Sous le regard tutélaire de Martin Heidegger (1889-1976), dont les portraits côtoient ici les oeuvres complètes en allemand, le gardien du temple exhibe une à une les pièces de l’interminable «affaire Heidegger», et de son tout dernier rebondissement : la décision – assez inhabituelle – des éditions Gallimard de renoncer à la publication d’un ouvrage collectif coordonné par lui-même, et intitulé Heidegger à plus forte raison. Annoncé pour le 23 mars, le livre n’est pas sorti en librairie. Et il apparaît désormais que s’il doit être publié un jour, ce ne sera pas chez Gallimard, l’éditeur traditionnel d’Heidegger en France, où François Fédier est venu déposer, au fil des ans, chaque tome des Œuvres du Maître.
A en croire Fédier, c’est justement à l’occasion d’une remise de disquette que serait né le projet Heidegger à plus forte raison, un épais volume au titre manifeste, qui devait venir riposter au livre publié par Emmanuel Faye au printemps 2005 : Heidegger. L’introduction du nazisme dans la philosophie (Albin Michel). Faye y développait l’idée selon laquelle, loin de constituer un simple accident de parcours, l’engagement hitlérien du penseur allemand coïncidait avec la vérité profonde de son oeuvre («Le Monde des Livres» du 25 mars 2005).
Devant le puissant écho rencontré par cet essai, certains heideggeriens avaient ressenti le besoin d’une contre-offensive. D’après François Fédier, toutefois, c’est Marcel Gauchet lui-même, éditeur chez Gallimard, qui en a eu l’initiative : «Environ un mois après la parution du bouquin de Faye, raconte-t-il, je vais, avec un traducteur, remettre un tome des Œuvres à Marcel Gauchet. Pendant que le traducteur s’absente, Gauchet me demande si j’ai lu le livre de Faye. Je réponds que oui. Il me dit «vous savez, il faut faire quelque chose, il faut répliquer, c’est absolument nécessaire. Entreprenez quelque chose, je vous soutiendrai…»»
Dès le mois de juin, donc, François Fédier réunit une équipe de dix auteurs qui s’attèlent à la tâche. Objectif : réfuter point par point l’argumentation d’Emmanuel Faye. C’est l’affaire d’un été prolongé : à la mi-octobre, le texte est achevé. Le 2 novembre 2005, un contrat en bonne et due forme est signé. Après quelques corrections superficielles, plusieurs jeux d’épreuves sont imprimés puis expédiés aux journalistes. Tout semble en place, donc, et la petite troupe heideggerienne croit enfin tenir sa revanche. Heidegger à plus forte raison allait même faire l’objet d’un compte rendu publié dans le numéro inaugural de Philosophie Magazine, daté d’avril-mai. Au même moment, la revue L’Infini consacrait un numéro spécial à Heidegger (no 95, Gallimard), numéro rapidement épuisé – et qui vient d’être réimprimé.
Or voilà que passent les semaines, les mois, et l’ouvrage, lui, ne paraît toujours pas. Bien plus, le 4 août, Antoine Gallimard, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, écrit à François Fédier pour lui signifier que le contrat du 2 novembre 2005 est résilié. Après lecture du service juridique et consultation d’un avocat, la maison considère désormais que la publication de ce texte risquerait d’entraîner des poursuites judiciaires, explique le PDG de Gallimard dans ce courrier, non sans commettre un assez joli lapsus, puisque sous sa plume l’ouvrage est rebaptisé Heidegger à perdre la raison…
Comment, en effet, rendre raison d’une pareille volte-face ? Toujours selon François Fédier, Marcel Gauchet, l’éditeur chargé de ce manuscrit, n’avait rien trouvé à y redire. C’est de l’extérieur que l’alarme a été donnée. Car peu après la diffusion des épreuves, Emmanuel Faye, qui a pu en prendre connaissance, expédie un «mémento» à quelques journalistes, ainsi qu’à plusieurs figures de la scène intellectuelle, dont l’historien Pierre Vidal-Naquet, décédé depuis. Un texte bref, qui s’ouvre sur ce jugement sans appel : «Un an après la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, un ouvrage à paraître chez Gallimard fait l’apologie d’une position négationniste».
«FAUSSE MANOEUVRE»
A l’appui de sa démonstration, Faye relève notamment que, dans sa contribution, François Fédier prend la défense de Jean Beaufret (disparu en 1982), l’une des figures tutélaires de l’heideggerianisme à la française, et qui avait jugé bon, en 1978, d’envoyer une lettre de soutien à l’agitateur négationniste Robert Faurisson. Dans un autre passage du même texte, relève encore Emmanuel Faye, Fédier expose que loin de «nier l’extermination» des juifs d’Europe, Beaufret s’était contenté de «mettre en doute l’existence des chambres à gaz».
Il faut croire que la nuance n’a pas convaincu les juristes de Gallimard, qui ont en outre fait valoir que plusieurs passages du livre étaient particulièrement «discourtois» à l’encontre d’Emmanuel Faye. Celui-ci aurait-il été fondé à porter plainte pour diffamation ? Toujours est-il que c’est la perspective d’un procès qui semble avoir fait reculer les éditions Gallimard, comme le suggère Marcel Gauchet : «Ce n’est pas mon rayon direct, je ne me suis absolument pas occupé de la question, et je ne comprends pas très bien ce qui s’est passé. Mais ce que je vois là-dedans, c’est d’abord une fausse manoeuvre au niveau des épreuves, qui ont été diffusées de façon précipitée, et ensuite les effets de la judiciarisation qui gagne l’édition. Tout se passe maintenant dans les coulisses, entre avocats et éditeurs. Et ce n’est pas ce qui peut arriver de mieux à l’intelligence…», regrette l’éditeur, qui croit également savoir que François Fédier a refusé les corrections proposées par Antoine Gallimard.
Faux, rectifie François Fédier, qui affirme avoir «entièrement réécrit» sa contribution. Et de fait, dans une nouvelle version dont Le Monde a pu prendre connaissance, l’auteur a largement remanié son texte, émoussant ses attaques contre Emmanuel Faye et supprimant la quasi-totalité du passage consacré à Jean Beaufret. Dans un courrier adressé à Antoine Gallimard et daté du 28 août, Fédier se dit «profondément choqué» par la décision de l’éditeur. En renonçant à la publication du livre, déplore-t-il, la maison «se soumet sans coup férir à l’avis des détracteurs de Heidegger, ceux-là mêmes que nous avions d’un commun accord décidé de combattre».
Article paru dans l’édition du 29.09.06
Toni Ibañez says
SOLIDARIDAD CON ROBERT REDEKER
JP Quiñonero says
Hola, Toni,
Llevas TODA LA RAZÓN. Esa catástrofe me pilló en Jaca (Zaragoza). Pero las amenazas contra ese profesor, colaborador de Temps Modernes y Le Figaro, también son amenazas contra la más elemental libertad de pensamiento.
Salve!!..
Q.-