● “La televisión, opio del pueblo, nueva religión pagana”.
● “Un público voyeur y exhibicionista”.
● “Unos protagonistas que se degradan haciendo el strip-tease de sus vidas”.
● “La parte más íntima de la persona humana se convierte en mercancía basura”.
● “La industria de la intimidad, basada en el lucro, gangrena la sociedad cuando se convierte en un criterio determinante..”.
Cuando yo comenzaba a leer filosofía, esa terminología y reflexiones venían directamente de algunos discípulos de Heidegger y miembros de la Escuela de Frankfurt. Pienso en Marcuse. ¿Quién habla hoy así?
Ahora habla así un hombre de iglesia, Jean-Michel di Falco, obispo de Gap (Hautes-Alpes) presidente del consejo para la comunicación de la Conferencia episcopal francesa, entrevistado por Henri Tincq, en Le Monde [11 noviembre 2006]:
Les Médias au risque du voyeurisme
Henri Tincq
Jean-Michel di Falco
Vous semblez penser que la télévision tire à son profit ce qui faisait autrefois partie des rites de la religion?
─La télévision est la nouvelle religion païenne. Autrefois, les familles se retrouvaient pour l’angelus et la prière qui ponctuait toute la vie chrétienne. Aujourd’hui, elles se rassemblent pour le journal télévisé de 20 heures, la «grand-messe» de l’information, avec un «grand prêtre», le présentateur, pour la célébrer. Et ce journal se déroule selon un rite bien défini, le conducteur, qui est l’équivalent de la «liturgie».
L’Eglise était l’initiatrice de grandes manifestations caritatives qui, aujourd’hui, se déplacent de plus en plus vers la télévision : Téléthon, Sidaction, etc. La télévision a ses «saints», les stars à qui le public s’adresse pour intercéder en faveur de telle ou telle cause. Et quand des animateurs ou grandes figures des médias sont renvoyés et jetés du jour au lendemain comme un Kleenex, on parle d'»excommunication» !
Dans le texte de Karl Marx sur la religion, remplacez le mot «religion» par celui de «télévision» et vous verrez que le texte ne perd rien de sa cohérence et se termine par «la télévision est l’opium du peuple». Il faut admettre que, désormais, ce n’est plus la religion qui structure la société, lui donne sa cohésion, mais la télévision. J’ajoute qu’on ne peut pas dire que l’Eglise catholique, à laquelle j’appartiens, a perdu toute influence dans la société et en même temps pousser des cris d’orfraies quand elle intervient dans le débat public.
La «télévision-religion» devient aussi le lieu des confessions intimes. Avec Mgr Descubes, président des questions sociales de l’épiscopat, et une équipe d’experts, vous venez de publier un document Quand des médias dévoilent l’intime (coédition Cerf, Bayard, Mame, 70 p., 6,80 €), dans lequel vous dénoncez le viol de l’intimité qui dicterait sa loi à la télévision ou à la presse people. La cote d’alerte est-elle atteinte ?
─C’est l’escalade du «toujours plus» en effet. Toujours plus d’images et de confidences dévoilant la vie intime des personnes ! Toujours plus d’images de violences, de guerres ! Il fut un temps où les responsables des chaînes veillaient à ce que les émissions susceptibles de choquer soient diffusées à des heures où les enfants ne sont plus à la table familiale. Aujourd’hui, plus aucune retenue n’est observée. Sur fond de concurrence, c’est à qui ira le plus loin, à qui sera le premier. Les chaînes se donnent comme alibi que les spectateurs ont un petit penchant pour le voyeurisme et en demandent toujours plus. La preuve, les magazines people sont la seule presse dont le tirage augmente : 18 millions de lecteurs en 2005.
Un public voyeur et exhibitionniste. Ceux qui, d’eux-mêmes, viennent exposer à la télévision leurs situations ou difficultés de vie se livrent à un dégradant strip-tease. Je me refuse à mettre en cause ces hommes ou ces femmes, mais leur attitude en dit long sur l’état de notre société. Ce qui fait exister, c’est le regard des autres. Dès lors que ces personnes n’ont pas, ou plus, le sentiment d’être regardées, d’être reconnues, choisies, de compter pour quelqu’un, elles vont tenter de se montrer à la télévision.
Ce qui supplée l’anonymat, le regard humain, c’est donc le regard électronique de la caméra. Contre le sentiment de non-être, le fait d’être vu à la télé donne une sorte de surcroît d’existence. Passer à la télé, c’est pénétrer dans le saint des saints, lieu de légitimation suprême, qui équivaut à une consécration. J’emploie à dessein ce vocabulaire religieux.
Vous mettez en cause l'»industrie de l’intimité» à la télévision et dans la presse, qui ferait «du viol de la vie privée des gens» un objet de consommation. Qui visez-vous en particulier ?
─La part la plus intime de la personne humaine est révélée chaque jour dans un nombre de plus en plus grand d’émissions et de journaux trash. On ne compte plus les «confessions publiques» qui mettent des gens en compétition au nom d’une prétendue télé-réalité. Témoins ces émissions comme «L’île de la tentation» ou «On a changé de maman», et bien d’autres. Ceux qui acceptent de se dévoiler le font sans doute en confiance, avec l’espoir de réaliser un rêve, de recevoir une aide psychologique ou affective. Mais ce qui intéresse les producteurs et les animateurs, c’est que la personne se raconte avec un luxe de détails intimes.
Après, quand on ne sort pas du lot, qui va recoller les morceaux ? La griserie est de courte durée. Ceux qui se prêtent à ces jeux du cirque sont les gladiateurs des temps modernes. On va m’opposer qu’il n’y pas de lion pour les dévorer… Mais mesure-t-on les conséquences d’un tel dévoilement, les blessures subies ? Comment, après les feux de la rampe, retourner sans dommage à l’anonymat ? Sait-on si un accompagnement psychologique est prévu ? Au nom de la dictature de l’audience, peut-on tout se permettre ?
La part intime de l’individu n’est pas un sujet de divertissement. Or la télévision, par sa nature même, fait de tout un spectacle. Oui, il y a une industrie de l’intimité, fondée sur le profit, gangrène de la société quand il en est le critère déterminant.
L’information aussi, dites-vous, devient spectacle. Elle mélange de plus en plus information et divertissement, selon la formule américaine de l'»infotainment»…
─Dès lors que l’information est traitée comme un produit, il faut la vendre, l’habiller pour qu’elle soit consommable. Alors, on repasse en boucle, comme de bons produits, les mêmes images de guerres, de tortures, de violences, «de coup de boule». Après le meurtre d’une jeune fille, j’ai vu une équipe de télévision enregistrer les aveux des auteurs présumés du crime et l’annonce aux parents de la découverte du corps de leur fille.
Sans doute y a t-il des téléphages pour apprécier ce type d’information, mais faut-il s’aligner sur ce qu’attendent les téléspectateurs pour le leur donner ? On peut faire de l’information, du divertissement et avoir le souci, en même temps, d’élever les centres d’intérêt de ceux qui regardent. A la décharge des journalistes, je dis volontiers qu’on se trompe de cible, lorsqu’on les critique, si on ne tient pas compte des conditions dans lesquelles ils exercent leur profession. Le journaliste fait pour le mieux, dans le cadre de ce qui lui est imparti par son patron qui, dans de nombreux cas, n’est pas un journaliste, mais un gestionnaire et un financier.
Il y a quand même un droit à l’information et un devoir d’informer ?
─Evidemment, il faut montrer les guerres, les tortures, les catastrophes. C’est la réalité du monde, on ne peut ni ne doit la cacher. Il faut donner à voir pour permettre la prise de conscience, au besoin susciter la révolte, provoquer des réactions devant ce qui est intolérable. Mais montrer quand ? Comment ? A qui ? C’est la question. Est-il souhaitable qu’un enfant se trouve brutalement confronté à des images de violences telles qu’elles sont diffusées chaque soir au journal télévisé pour lequel il n’y a pas la signalétique moins 10 ans, moins 12, moins 16, moins 18 ?
Le droit à l’information est inaliénable, mais faut-il pour autant tout dire, tout montrer, à n’importe quelle heure et à n’importe quel public. Le débat sur les limites au devoir d’informer est difficile : qui va les fixer et comment ? Le droit à l’information, il ne faut pas y toucher, mais que ceux qui portent la responsabilité d’informer s’interrogent. Il n’y a pas que le scoop comme référence.
Alors quelle alternative ? Soit on fait appel à la conscience personnelle, en pensant que chacun est en mesure de voir jusqu’où on peut aller. Soit on se retourne vers le législateur, mais j’entends déjà les protestations, justifiés d’ailleurs : atteinte à la liberté d’expression, censure ! Ce n’était pas mieux autrefois au temps de l’ORTF et d’une information encadrée. Mais qu’on ne vienne pas nous dire que la télévision aujourd’hui est libre. Elle s’est libérée de la tutelle politique pour s’emprisonner sous le joug de la tutelle économique. Est-elle davantage libre?
Vous écrivez que le débat politique a aussi franchi les limites du respect de la vie privée et va jusqu’à «un dévoilement de soi qui frise la vulgarité».
─Mettre en scène sa vie privée, fouiller dans la vie d’un adversaire pour le mettre en difficulté, c’est une manière de faire de la politique un mauvais et médiocre spectacle. Je trouve d’une bassesse tout autant méprisable les attaques visant Ségolène Royal à travers son frère et Nicolas Sarkozy à propos de ses prétendus comptes à l’étranger. Que ce spectacle politique amuse un certain nombre de Français, j’en conviens. Mais que ceux qui revendiquent le suffrage de leurs concitoyens n’aient dans certains cas comme tout discours que celui de chercher à salir et détruire l’autre n’a rien de rassurant.
Je déplore qu’il y ait bien moins qu’autrefois de grands débats politiques à la télévision. Il ne faut pas reprocher aux hommes politiques de se trouver dans des émissions d’information et de variété dans lesquelles leur vie privée est mise en scène. Ont-ils un autre choix pour se faire entendre par le plus grand nombre?
Luis Rivera says
El espectáculo depende de los espectadores que se sientan cada noche, tarde, mediodía o mañana, a contemplar la impudicia del día. Es, y así lo reconocen, su propia impudicia. Creo que en el fondo se trata del voyerismo de nosotros mismos, el descubrimiento de que las miserias son de todos, y que la gente tiene similares pensnamientos perversos y comportamientos odiosos. La rebelión de las masas alcanza el nivel de reconocimiento de si misma como sujeto soberano. Oí a una persona en una cena la siguiente frase, que muestra la perversiónde la costumbre: «todos nos tiramos pedos… ¿para qué reprimirlos?».
JP Quiñonero says
Luis,
Lo de «rebelión» quizá fuese sensato sustituirlo por algo menos épico y más sonámbulo, por decirlo amablemente. Se me ocurre.
Un ramalazo de gripe no favorece el optimismo: voy a acostarme, ya.
Felices sueñossssssss
Q.-