Le Monde y Le Monde des Livres comentan con entusiasmo un ensayo que hace el elogio de una América / EE.UU. culta, donde los artistas son más numerosos que los policías, donde se encuentran las mejores universidades del mundo, donde la cultura ocupa un puesto esencial en la vida pública.
Eric Le Boucher [Le Monde, 14 nov. 06, PDF] presenta De la culture en Amérique (Gallimard), de Fréderic Martel, con las cifras que estimulan a un economista convencido de la importancia central de la cultura en la nueva economía del conocimiento: 190.000 escritores, 212.000 artistas plásticos, 2 millones de artistas: “Un mundo en perpetua mutación y modernización, nutriendo una vida cultural profundamente democrática”.
Michel Guerrin et Emmanuel de Roux [Le Monde des livres, 16 nov. 06] comentan el mismo libro con evidente simpatía: “…4 000 universités dont l’action culturelle est largement méconnue. Or cette présence est centrale : elle forme les futurs acteurs de la vie culturelle américaine, mais aussi les publics de demain. Ce sont également des pôles multiculturels qui irriguent des régions entières. Car il y a 700 musées dans les universités, 2 300 Performing Art Centers, 110 maisons d’édition, 3 500 bibliothèques dont 65 possèdent plus de 2,5 millions de volumes. Enfin les universités sont le premier employeur des deux millions d’artistes recensés par le ministère du travail aux Etats-Unis”.
Le Monde des Livres, 16 noviembre 06:
DE LA CULTURE EN AMÉRIQUE de Frédéric Martel. Gallimard, 620 p., 32 €
Michel Guerrin et Emmanuel de Roux
Le titre de ce livre, au-delà de l’ambitieuse référence à Tocqueville, annonce un sujet que l’on croit connaître. La culture américaine, c’est Hollywood, la musique rock, le théâtre de Broadway, l’industrie du divertissement. Un modèle dominant, que l’on consomme, admire ou rejette. Fausse piste. L’Amérique des industries culturelles n’est pas le sujet de Frédéric Martel.
Son propos est de démonter les rouages de la culture américaine, ses structures et son financement : qui donne l’argent, combien et comment, avec quels effets ? Ce système, largement ignoré en Europe, s’appuie sur la philanthropie érigée en devoir – du don de 10 dollars à celui de plusieurs millions de dollars -, sur des fondations au budget culturel parfois aussi gros que celui de certains pays européens, des défiscalisations importantes mais aussi sur une liste considérable d’aides publiques et sur un réseau universitaire particulièrement dense.
Tout cela ne fait pas une politique culturelle mais bien un «système culturel» que Frédéric Martel décrypte point par point. Aussi curieux que cela paraisse, aucun autre livre, même aux Etats-Unis, n’a traité de la question. Sa force est d’être une enquête et non un essai. Pendant quatre ans, cet ancien attaché culturel à Boston, proche de Pierre Rosanvallon, a réalisé 700 entretiens dans 35 Etats de l’Union. Il a également épluché des archives inédites, notamment les «notes culturelles» des présidents américains. Des montagnes de chiffres rythment les 600 pages. Quelques coupes n’auraient pas altéré cette enquête passionnante à la structure convaincante et à l’écriture alerte.
Frédéric Martel, auteur de Le Rose et le Noir. Les homosexuels en France depuis 1968 (Seuil, 1996), aime balayer les idées reçues. La plus enracinée est qu’aux Etats-Unis la culture est un dialogue entre le créateur et le citoyen dans lequel l’Etat n’a rien à faire et rien à dire. Il n’y existe pas de ministère de la culture – «et j’espère que nous n’en aurons jamais», disait le président Jimmy Carter. La majorité des artistes estiment d’ailleurs que l’argent public dédié à la culture ne peut que déboucher sur un art officiel, donc suspect. Martel cite l’écrivain John Updike : «L’argent public dans les arts, je le crains, ne peut que détourner les artistes de leur responsabilité qui est de trouver un véritable marché pour leurs produits ou un réel public pour leurs spectacles.»
Et pourtant, aux Etats-Unis, l’argent public irrigue la culture. Mais la robinetterie est complexe, et surtout discrète. Il faut distribuer l’argent public «sans fanfare», disait John Kennedy. Ce n’est pas un hasard si l’institution culturelle la plus visible a fait l’objet de violentes critiques : Il s’agit du National Endowment for the Arts (NEA), Dotation nationale pour les arts, organisme fédéral créé par Lyndon Johnson en 1965. Frédéric Martel raconte l’aventure chaotique du NEA sous les présidents successifs, décrypte l’opposition entre les tenants d’une «high culture» (opéra, orchestres, musées) et un Jimmy Carter qui a émietté les budgets publics en faveur des minorités ethniques.
Le budget 2006 du NEA est de 125 millions de dollars – une somme ridiculement faible. L’essentiel est ailleurs corrige Frédéric Martel. Le NEA n’est pas un ministère de la culture, mais une agence qui a plutôt un rôle de détonateur. C’est l’arbre qui cache l’énorme forêt des aides publiques. Car près de 200 ministères, agences et organismes financent la culture au niveau fédéral. Même chose au niveau de chacun des cinquante Etats, des villes et des comtés, voire des quartiers. Il y a encore les aides indirectes, comme les taxes reversées au secteur des arts (vignette automobile dans le Tennessee, loteries dans le Massachusetts) ou des bons municipaux pour la construction de lieux culturels (803 millions de dollars pour la seule ville de New York pour la période 2006-2009). Ajoutons enfin un système fiscal qui permet aux entreprises et aux individus de retrancher de leurs impôts leurs dons – «pour une large part, la politique culturelle américaine est une politique fiscale», constate Martel.
ADDITION COMPLEXE
Quel est le montant de l’argent public investi dans la culture ? L’addition est complexe. Entre 26 et 50 milliards de dollars par an, estime Frédéric Martel, qui ajoute : «Par habitant, le budget culturel public aux Etats-Unis est égal voire supérieur à celui de la France.» Sacrée surprise. D’autant que, côté argent privé, les Etats-Unis sont imbattables. Avec d’abord une culture du don individuel : 13,5 milliards de dollars chaque année – grosso modo quatre fois le budget du ministère de la culture en France. Il faut ajouter à ce chiffre les quelques milliards de dollars distillés par les grandes fondations, dont Frédéric Martel raconte l’esprit et l’ampleur à travers la figure de quelques grands industriels devenus philanthropes : Carnegie, Rockefeller, Ford…
Il ne faut pas non plus oublier les 4 000 universités dont l’action culturelle est largement méconnue. Or cette présence est centrale : elle forme les futurs acteurs de la vie culturelle américaine, mais aussi les publics de demain. Ce sont également des pôles multiculturels qui irriguent des régions entières. Car il y a 700 musées dans les universités, 2 300 Performing Art Centers, 110 maisons d’édition, 3 500 bibliothèques dont 65 possèdent plus de 2,5 millions de volumes. Enfin les universités sont le premier employeur des deux millions d’artistes recensés par le ministère du travail aux Etats-Unis.
On sort du livre avec la conviction qu’aucun autre pays au monde ne fait autant pour la culture. Voilà le meilleur, dit Frédéric Martel, qui pointe également «le pire». Car ce système singulier laisse aussi le champ libre aux attaques les plus violentes contre la culture, et peut conduire à l’éviction brutale de décideurs culturels, ou à des coupes claires dans les crédits. Frédéric Martel décrit longuement l’épisode des Culture Wars sous Reagan, dans les années 1980, qui ont vu se multiplier les actes de censure contre des artistes. Le poids dominant de la société civile peut induire, aussi, la mise à l’écart des créations les plus difficiles. La marchandisation des opéras ou des musées n’est pas non plus sans effet sur les oeuvres. L’argent des «riches» peut déboucher sur «un art pour les riches» ; c’est ainsi que le théâtre, jugé souvent trop subversif, est le grand délaissé du système. «Sans doute le modèle américain n’est-il pas exportable, conclut Frédéric Martel. Mais son extraordinaire souplesse lui donne un gros avantage dans le monde actuel en pleine mutation. En tout cas, il faut cesser de le sous-estimer.» Sur ce plan aussi son livre est une réussite.
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