Le Monde, 19 / 20 febrero 2013
“España parece aspirada por el caos…”.
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“Al marasmo se añade una histórica crisis política” [ .. ] “Todas las instituciones están tocadas por el descrédito” [ .. ] “Sucias prácticas de espionaje de reptiles” [ .. ] “PSOE y PP son los son pricipales responsables de la crisis institucional”…
–España, una temporada en el infierno, 1.
En Espagne, une crise politique historique s’ajoute au marasme
Cécile Chambraud et Sandrine Morel
Les principales institutions de l’Etat espagnol sont touchées par un discrédit qui alimente des appels à la » régénération «
En Espagne, aujourd’hui, même les pots de fleurs incriminent les politiques. Un micro caché dans une porcelaine, disposée au milieu d’une table d’un restaurant huppé de Barcelone, n’a rien perdu des confidences de l’ex-petite amie du fils de l’ancien président nationaliste de la Catalogne, Jordi Pujol, à la dirigeante du Parti populaire (PP, droite) catalan, Alicia Sanchez Camacho. La jeune femme racontait que son ancien fiancé transportait des sacs remplis de liasses de billets de 500 et 200 euros entre Andorre et la capitale catalane.
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Les révélations sur les pratiques peu ragoûtantes qui se sont répandues chez les politiques à la faveur du boom immobilier se succèdent en une sarabande diabolique. Dessous de tables versés aux dirigeants du PP ; démissions en rafales d’élus socialistes, conservateurs ou nationalistes catalans, soupçonnés de malversations dans d’innombrables municipalités et régions autonomes, de corruption, de détournement d’argent public, de liens avec la mafia russe… La liste s’allonge sous les yeux effarés d’Espagnols en pleine détresse économique. Elle envenime chaque jour un peu plus l’atmosphère politique alors que le débat annuel sur l’état de la nation placera Mariano Rajoy, le président du gouvernement, face à ses opposants, mercredi 20 février.
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Pourquoi le discrédit des politiques semble-t-il gangrener à ce point les institutions ? D’abord parce qu’en Espagne, depuis des décennies, les grands partis de gouvernement ont fait corps avec ces institutions. » Cette crise n’affecte pas seulement le système politique, mais toutes les institutions, car nous sommes un pays faiblement institutionnalisé. Nos institutions sont faibles. Pour différentes raisons, elles n’ont pas rempli les missions qui leur avaient été assignées » après la chute du franquisme, explique le philosophe Daniel Innerarity, directeur du centre de recherche Globernance.
L’une de ces raisons, c’est que les grands partis se sont » réparti le pouvoir dans les organismes de contrôle et de régulation «, plaçant à leur tête des affidés, accuse Daniel Innerarity. » Les partis ont colonisé des institutions conçues en principe pour être autonomes «, constate l’historien Santos Julia.Le magistrat Joaquim Bosch, porte-parole de l’association Juges pour la démocratie, confirme la mainmise des partis sur la justice. » Les nominations au Tribunal constitutionnel, à la Cour des comptes et au Conseil général du pouvoir judiciaire dépendent d’un système de quotas : au lieu de chercher les personnes qualifiées, les partis choisissent souvent des candidats moins compétents mais plus proches. Cela diminue l’efficacité et l’indépendance de ces organes. Les institutions ont atteint un niveau de dégradation intenable. »
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Replié sur lui-même et sur l’intérêt des partis de pouvoir, le système s’est nécrosé. Il a exclu tellement d’acteurs et de sujets du débat politique qu’aujourd’hui son armature PP-PSOE-CiU est discréditée, il semble s’effondrer. A son sommet, la monarchie est en grand danger. Ces dernières années, le PP et le PSOE se sont entendus pour empêcher tout débat à son sujet. L’ex-chef de l’exécutif José Luis Rodriguez Zapatero (2004-2011) avait un temps caressé l’idée de réformer la Constitution pour permettre à une fille aînée de régner un jour. Il a dû y renoncer. » On n’a pas osé ouvrir ce dossier de peur de voir surgir d’autres questions dont on ne veut pas débattre, comme la République ou l’autodétermination de certains territoires. Cette grande rigidité, cette peur du débat, empêche les institutions d’apprendre et de s’adapter «, explique Daniel Innerarity.Aujourd’hui, la monarchie est aussi menacée par le scandale dans lequel est pris l’un des gendres du roi. Inaki Urdangarin est soupçonné de détournement de fonds publics. Il doit être entendu par le juge samedi. Plus les jours passent, plus son associé entraîne la famille royale dans ses turpitudes. Discrédités, les principaux partis et institutions sont débordés. Les partis marginaux progressent dans les intentions de vote. Le mouvement des » indignés » a exprimé le premier le sentiment de révolte d’une partie de l’opinion devant des élus disqualifiés. Refusant de se constituer en parti, il n’a pas été capable de prolonger la protestation, mais maintient les politiques sous pression.
Sur ces décombres, un mot d’ordre fait aujourd’hui florès, dans la presse, dans la rue, dans les partis de droite et de gauche : la » régénération «. » Il faut une régénération politique «, a déclaré la présidente du PP de Madrid et ancienne présidente de la région, Esperanza Aguirre. » Nous devons impulser une régénération démocratique «, a affirmé le chef de file syndical Ignacio Fernandez Toxo, des Commissions ouvrières. » Le PSOE doit mener la régénération de la politique «, a suggéré le député socialiste basque Odon Elorza.
Certains affirment que la crise actuelle a ses origines dans la transition démocratique de la fin des années 1970, après la mort de Francisco Franco, et vont jusqu’à demander une » seconde transition «. » C’est une erreur d’attribuer la crise actuelle à une sorte de péché originel, argumente l’historien du XXe siècle espagnol Santos Julia. C’est une façon de s’exonérer de ses responsabilités. Car c’est bien l’action des partis au pouvoir, d’abord le PSOE, puis le PP, qui, après la transition proprement dite, a conduit à la crise institutionnelle actuelle.” [ .. ] [Le Monde, 19 / 20 febrero 2013, Cécile Chambraud et Sandrine Morel. En Espagne, une crise politique historique s’ajoute au marasme].
Las negritas son mías.
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