Condenado a seguir el fragor de la guerra política (en Francia), sin olvidar la sucesión de acontecimientos mayores, en Irlanda o Escocia, comienzo a recobrar una vaga libertad personal. Abro libros, recorto y guardo papeles. Algunos quizá merezcan lecturas mucho más reposadas. ¿Cómo se cruzan y enriquecen los conceptos de libertad que forjaron españoles, ingleses y franceses durante los siglos áureos?
Ran Halevi comenta en Le Figaro un ensayo quizá muy estimulante, intentando rastrear los orígenes de un “modelo liberal” y una “tradición cívica” francesa, distinta a los modelos económicos liberales de corte salmantino e inglés, apoyándose en unos ideales cívicos propios… ¿Existe un pensamiento francés de la libertad moderna, anterior a la Revolución de 1789, forjado por los “disidentes” liberales y aristocráticos de la monarquía absoluta, Fenelon, Boulainvilliers, Saint-Simon, etc?
Viejo lector de sus Memorias, sospecho que Saint-Simon no fue nada semejante a un «liberal libertario» o un «anarco capitalista». Turgot, tampoco. Pero las pistas de Saint-Victor y Haleví me parecen significativas.
Le Figaro, 10 mayo 2007
Une certaine idée du libéralisme. Un essai ambitieux qui explore les origines du discours de la liberté en France avant la Révolution
Ran Halevi
LE DISCOURS de la liberté politique en France est né sous la monarchie absolue. Mais c’est un discours pluriel qui n’a cessé d’évoluer, de s’infléchir et de s’enrichir. Les historiens ont souvent étudié les auteurs, célèbres ou méconnus, qui s’étaient efforcés, entre le règne de Louis XIV et le règne de Louis XVI, de concevoir une « pensée libérale » du pouvoir. Mais ils ont rarement tenté d’en retracer l’histoire intellectuelle. Tel est l’objet ambitieux, et réussi, du livre (1) de Jacques de Saint-Victor. Nourri de nombreuses lectures, cet essai possède la qualité plutôt rare de marier la profusion du savoir à la clarté de l’expression qui en fait le charme : M. de Saint-Victor sait parler simplement de choses passablement compliquées.
Les promoteurs de la « critique libérale » dont il interroge les racines ne sont ni des marginaux ni des dissidents : Fénelon, Boulainvilliers, Saint-Simon ont tous vécu dans la proximité de la Cour avant de prendre leur distance ou d’en être éloignés. Tous partagent, au crépuscule du Grand Règne, l’inquiétude devant la dérive absolutiste de l’autorité monarchique, qu’ils cherchent à conjurer en associant la noblesse à l’exercice du pouvoir. Leur opposition est à la fois libérale et aristocratique. Et si les remèdes qu’ils méditent ne se recoupent pas toujours, leur réflexion puise dans un terreau commun : c’est l’histoire lointaine de la royauté, ce sont les « libertés germaniques » nées de la conquête franque du Ve siècle, qui fondent leur idée d’une monarchie tempérée ou «limitée».
Récit des origines
Le passé national leur offre plus qu’un réservoir d’expériences utiles : il est l’arbitre, l’instance de légitimation, de toute revendication politique. Et ce qu’il enseigne, écrit Boulainvilliers qui en donne l’interprétation la plus élaborée, c’est que l’invasion de la Gaule par les guerriers francs aurait produit une « constitution libre » où ces hommes fiers et sans malice gouvernaient au côté du roi dans les premières assemblées de la nation, les fameux champs de Mars et de Mai. Clovis et ses descendants ont beau chercher à les soumettre, la liberté française survit néanmoins sous Charlemagne et s’épanouit au XIVe siècle, avant de s’évanouir : sous Louis XI elle est déjà éteinte. Le reste n’est qu’une succession d’usurpations royales qui vont culminer sous le règne « despotique » de Louis XIV. À ce récit des origines qui érige la noblesse en rempart des libertés sera opposée la thèse « royale » qui nie la réalité de la conquête, dément l’existence des « libertés germaniques » et reconnaît à la monarchie dès l’origine un caractère absolu.
Avec la publication de L’Esprit des lois au milieu du siècle, cette première « guerre des mémoires » semble tranchée en faveur des thèses germaniques. Mais la grande contribution de Montesquieu est d’exposer à ses contemporains deux modèles de liberté politique : la « liberté modérée » du régime monarchique et la « liberté extrême » incarnée par la Constitution d’Angleterre. Jacques de Saint-Victor analyse l’usage de plus en plus radicalisé, et détourné des principes du gouvernement monarchique déposés dans L’Esprit des lois. Avant que 1789 ne redonne une actualité inédite au modèle anglais que les premiers révolutionnaires « monarchiens » voudront vainement adapter en France : l’abbé Sieyès l’emporte à l’Assemblée constituante qui consacre la rupture avec tout héritage et tout modèle.
En quelques décennies, la France est ainsi passée d’une guerre des mémoires à une guerre des principes dont nous ne sommes pas tout à fait sortis. Le mérite de ce livre est d’explorer toute la diversité des expressions que prend pendant cette époque agitée le discours de la liberté : de Turgot qui veut mettre la monarchie au service du libéralisme économique et d’une politique de la raison, aux promoteurs prérévolutionnaires du principe de la souveraineté nationale, en passant par Mably qui mobilise à son tour le récit des origines pour plaider une « révolution ménagée » puisant son inspiration dans un « républicanisme classique » où se mêlent les références antiques et les traditions nationales.
Il est un fil que Jacques de Saint-Victor cherche à retrouver tout au long de l’ouvrage : ce sont les traces éparses d’une « tradition civique » méconnue. Elle opposerait à l’héritage individualiste du libéralisme économique de type anglais un idéal civique – nobiliaire, parlementaire, démocratique – qui cherche à concilier le pouvoir et la liberté par la citoyenneté. Serait-ce un trait commun souterrain d’une certaine pensée française de la liberté ? Telle est la voie originale que cet ouvrage propose d’ouvrir.
(1) Les Racines de la liberté. Le débat français oublié, 1689-1789 de Jacques de Saint-Victor Perrin, 355 p., 21,50 €.
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