Un español dinamita Arles, afirma Le Monde, para resumir una historia de sexo, droga, rock’n’roll y redención, a través de la fotografía.
Le Monde, 3 / 4 julio 2007.
Un Espagnol dynamite Arles
Michel Guerrin et Claire Guillot
Il s’appelle Alberto Garcia-Alix. C’est un photographe espagnol à l’allure de rockeur fatigué et à la voix d’outre-tombe. Ses images en noir et blanc, à découvrir à l’église Sainte-Anne d’Arles, entre sexe, drogue, portraits de marginaux et autobiographie, font partie des cinquante expositions au programme des 38es Rencontres d’Arles, le festival photo le plus ancien au monde. Si les expositions courent jusqu’à septembre, beaucoup d’amateurs viennent pour la semaine d’ouverture, du 2 au 8 juillet, attirés par une multitude d’animations, de projections ou le concert de Lou Reed prévu au Théâtre antique, le 4 juillet.
Pourquoi Alberto Garcia-Alix ? Parce que son exposition est la plus forte, la plus cohérente, la mieux présentée de toutes. C’est un repère qui a du caractère dans une édition qui ressemble à un inventaire à la Prévert, sans star de la photo, sans thème affirmé ni propos esthétique qui pourrait faire débat. A découvrir, une flopée d’expositions plutôt arides sur l’Inde, une autre de quinze jeunes artistes de tous horizons, un ensemble d’auteurs chinois tape-à-l’oeil comme on en voit partout, un hommage aux 60 ans de l’agence Magnum, un à la reine Elizabeth d’Angleterre, un coup de chapeau à la baronne Pannonica de Koenigswarter qui a photographié et soutenu les grands jazzmen américains. Un mille-feuilles d’images plus ou moins bien présentées.
L’oeuvre d’Alberto Garcia-Alix force à s’arrêter. Ses portraits et autoportraits plongent le spectateur dans la période exubérante de l’Espagne juste après la mort de Franco, en 1975. En 129 images, dont beaucoup de beaux tirages d’époque, on voit un photographe vivre sur le fil de la mort. En 1976 ce fils de médecin troque ses études de droit pour une vie rock’n’roll, entre sexe, drogue, moto. La photographie croise sa route après un mauvais trip à l’héroïne : » J’ai fait un rêve, j’ai vu mon futur, ça m’a fait peur, se souvient Alberto Garcia-Alix. J’ai décidé de contrôler ma vie. Et j’ai trouvé une discipline dans le travail au labo. «
Un vendeur de matériel photo, qu’il a sauvé d’un braquage, lui fait crédit. Entre deux trips, il photographie ses amis marginaux. Leur prénom sert de légende aux photos : Elena, Isa, Rocky… Ils collectionnent piercings et tatouages, posent dans la rue sans complexes, exhibent leur sexe et une séance de shoot parfois intitulée » Un après-midi d’été «. » La transgression, l’agitation et la révolte contre le système étaient nos valeurs «, explique-t-il. Les scènes sont lourdes mais les images étonnamment calmes : ceux qui campent devant l’objectif avec morgue et fierté sont souvent nimbés d’une lumière délicate, résultat d’un subtil travail en laboratoire. Nombre de ses photos rappellent les portraits tragiques de Diane Arbus. Quand bien même le modèle est un acteur de porno. » Dans les photos de nu, c’est le corps qui m’intéresse. Mes amis me disent que ces images ne sont pas bonnes pour se masturber. Leur regard est trop fort. » De belles photos d’intérieurs à la facture classique, d’immeubles hantés, de chaussures ou de chaises abandonnées disent le vide, l’absence, l’attente : celle de l’être aimé, du dealer.
A la première exposition d’Alberto Garcia-Alix, à Madrid, en 1981, » ce n’est pas le public de l’art qui se déplace, c’est la jeunesse, mes amis rock’n’roll «. Le succès s’installe, le photographe devient professionnel malgré la drogue. A l’étranger, il est souvent classé artiste de la Movida, ce mouvement culturel de l’après-Franco. » J’en connaissais les acteurs mais je ne les photographiais pas ; mon milieu était plus underground «, corrige-t-il. Les autoportraits qui rythment l’exposition sont teintés de mélancolie. Garcia-Alix note que presque tous ses amis sont morts, d’overdose ou du sida. » Je suis un survivant. La photographie ne m’a pas sauvé de la drogue, mais elle m’a donné des racines. Elle m’a offert des rencontres, elle m’a obligé à regarder. «
- “Decíamos ayer…” PhotoEspaña, García Alix y otros paraísos.
- Fotografía en este Infierno.
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