Decíamos ayer… Volverás a Caína, a Región, al Jarama… pero Nunca llegarás a nada. Quizá la escritura, la búsqueda de un estilo, iluminen las capas más hondas y oscuras de nuestra identidad. Le Monde presenta la edición ¿o reedición? francesa de El Jarama, la obra maestra de Rafael Sánchez Ferlosio, con este título: “Una España a la deriva”.
Pierre-Robert Leclercq lo compara con Beckett y subraya la dificultad de vivir en una España asfixiada por sus fantasmas y pesadillas.
En Liberation, Philippe Lançon consagra a Ferlosio un largo y bello artículo, Un chameau en Espagne, del que releo con gusto y tristeza estas frases:
Il se marie avec la romancière Carmen Martin Gaite. Ensemble, ils ont une fille, Marta. Un jour, revenant de la chasse avec un lièvre, il lui décrit avec soin et admiration chaque partie du corps de la bête. «Pourquoi l’as-tu tué, s’il est si beau ?» lui demande l’enfant. «Je n’ai plus jamais chassé, dit-il en souriant, car je n’avais rien à lui répondre.» Il continue longtemps d’aller à la corrida, jusqu’au jour où, dit-il, «je me suis mis à haïr l’Espagne». Que déteste-t-il dans le caractère espagnol, lui qui l’est tant ? «La conviction patriotique. La friponnerie. Et l’usage du sarcasme.»
Marta effectue des études de philologie anglaise, traduit des contes de Kipling et Eaux profondes, de Patricia Highsmith, aide son père à taper ses propres textes. Toxicomane, elle meurt du sida à 27 ans. Il écarquille un peu plus ses yeux et dit : «Je ne me suis rendu compte de rien. Mais je l’aimais tant que j’avais en moi depuis l’enfance l’image anticipée de sa propre mort. C’est le pire.» L’un de ses beaux essais, les Pleurs et la fiction, tourne autour d’un poème japonais : «Au soleil sèchent les kimonos./ Oh, les petites manches/de l’enfant mort.» Commentaire : «Le corps est l’enfant et le lieu de l’événement ; le kimono signifie l’enfant et il est le lieu de la représentation. Nous avons toujours besoin d’un miroir pour savoir ce qui nous est arrivé.» Le texte fut écrit bien avant la maladie de sa fille. La langue est le miroir dans lequel il faut entrer pour apprendre à vivre, ou à survivre.
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