“Atmósfera crispada y estéril” [ .. ] “Mala fe” [ .. ] “Odios” [ .. ] “Procesos largos y caóticos” [ .. ] “Capacidad maniobrera”.
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Le Monde, 29 feb. / 1 marzo 08.
Espagne, polémiques sur la nation
Cécile Chambraud
Les élections législatives du 9 mars libéreront-elles les électeurs espagnols de l’atmosphère politique exécrable, crispée et stérile, qui prévaut depuis quatre ans ? Pendant cette législature, socialistes et conservateurs ont semblé campés dans deux Espagne parallèles et antagonistes, incapables non seulement de retrouver l’état d’esprit qui, depuis la mort de Franco, leur permettait de s’entendre sur quelques sujets essentiels, mais encore de simplement débattre entre eux.
Le premier face-à-face télévisé de José Luis Rodriguez Zapatero et de Mariano Rajoy, lundi 25 février, était un parfait résumé des années écoulées : dénigrement systématique, aigres accusations à la limite de l’insulte, réponses parfois au niveau de » c’est celui qui le dit qui l’est «. Les treize millions d’électeurs qui se sont donné la peine de les écouter n’auront entendu aucune proposition, aucun projet de réforme.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que, sur des questions qui, par le passé, avaient pu alimenter les haines, le fossé est aujourd’hui comblé. Sur le terrain économique, la droite et la gauche sont de faux jumeaux. La campagne électorale a commencé par une sorte de surenchère à la baisse d’impôts. La rigueur budgétaire et la stabilité des prélèvements obligatoires sont des dogmes partagés. Tout juste la protection sociale donne-t-elle encore matière à discussion.
L’un des marqueurs traditionnels de la droite espagnole, l’Eglise, a perdu de son pouvoir prescripteur. Certes, la conférence épiscopale a lancé un appel à voter contre le PSOE particulièrement virulent. Bien sûr, les groupes de pression catholiques ont été les artisans de certaines des plus grandes manifestations contre M. Zapatero, comme lors de la légalisation du mariage homosexuel, de la réduction de la place du catéchisme dans l’enseignement public et de l’introduction d’un cours d'» éducation à la citoyenneté » à l’école.
Pourtant, si le Parti populaire (PP) a largement utilisé – et secondé – cette capacité de mobilisation de l’Espagne catholique, la profonde laïcisation de la société le conduit à la prudence dans les propositions. Lorsqu’il était au pouvoir, José Maria Aznar n’est revenu ni sur le divorce ni sur l’avortement. Aujourd’hui, le PP brandit sans doute le fantasme de l’euthanasie – terrain sur lequel les socialistes se sont abstenus de mettre les pieds – tandis que Mariano Rajoy est hostile à ce que les unions entre personnes du même sexe s’appellent » mariage «. Pourtant, il prend soin de dire qu’il leur laissera les mêmes droits qu’aux couples mariés (sa position sur l’adoption est sujette à variation) et il ne s’est pas engagé à la modifier si le Tribunal constitutionnel valide la loi. Il ne parle pas non plus de revenir sur la procédure de divorce rapide instituée par les socialistes.
Cela ne retire rien à la détermination politique qu’il a fallu à M. Zapatero pour faire aboutir ces réformes. Mais si, face à la gauche, l’Eglise tire encore à l’évidence une grande puissance de frappe de sa position institutionnelle privilégiée et des énormes ressources que lui alloue l’Etat en vertu des accords passés avec le Vatican en 1979, en revanche, elle ne jouit plus d’un magistère moral.
Les sources de la crispation politique sont donc à chercher ailleurs. La première provient des circonstances qui ont accompagné la victoire des socialistes le 14 mars 2004. Trois jours auparavant, 191 personnes avaient trouvé la mort dans les attentats commis dans quatre trains de la banlieue de Madrid. Le gouvernement de M. Aznar, en butte à l’impopularité extrême de la guerre en Irak, avait cru habile de montrer du doigt l’ETA, y compris quand, très vite, l’enquête désignait la piste islamiste. Eventé, ce mensonge n’a pu que contribuer à la victoire des socialistes.
PARFAITE MAUVAISE FOI
Complètement prise au dépourvu, la droite n’a pas, depuis, surmonté sa défaite. Incapable d’assumer son erreur, elle a cherché, avec une parfaite mauvaise foi, à semer le doute sur les » véritables » auteurs des attentats, imaginant d’invraisemblables conspirations (dans lesquelles auraient trempé l’ETA, les socialistes, les services secrets et beaucoup d’autres) contre elle dirigées afin de (se) convaincre qu’elle ne s’était pas battue elle-même. La condamnation des auteurs des attentats, en octobre 2007, a tari la campagne permanente que menait sur ce terrain une partie du PP, appuyée sur quelques médias puissants. Qu’il ramène la droite au pouvoir ou qu’il lui inflige une seconde défaite consécutive, le scrutin du 9 mars aura peut-être la vertu de » purger » ce traumatisme. En revanche, un résultat peu net n’aura pas cette capacité.
Il est peu probable que le scrutin règle la deuxième grande raison de l’affrontement politique actuel : la question jamais résolue de la nation en Espagne. Pendant vingt ans de relatif apaisement, après l’invention d’un modèle très décentralisé par les auteurs de la Constitution de 1978, les partis nationalistes basques et surtout catalans avaient contribué à la stabilité des gouvernements de droite et de gauche en leur servant d’appoint en contrepartie d’un accroissement progressif des compétences de leurs gouvernements régionaux. Cet équilibre a été rompu une première fois sous le second mandat de M. Aznar (2000-2004), qui, disposant d’une majorité absolue à Madrid, avait traité de haut les anciens alliés nationalistes.
Les quatre années de présidence de M. Zapatero ont, elles, ouvert un gouffre entre le PSOE et le PP. A l’origine, la promesse faite en campagne par M. Zapatero d’accepter le projet de nouveau statut pour la Catalogne que le Parlement régional, dominé par les socialistes, serait en mesure de voter. Au terme d’un processus long et chaotique, un nouveau statut a finalement été adopté, puis déféré devant le Tribunal constitutionnel par le PP, qui voit en lui rien de moins que le début de la fin de l’Espagne. L’affaire a été menée de telle manière qu’elle a rendu furieux les conservateurs et mécontenté une partie des nationalistes catalans, qui se sont sentis floués par la capacité manoeuvrière de M. Zapatero et incompris du reste du pays.
Or le Tribunal constitutionnel se prononcera après les élections sur la constitutionnalité du texte. Quelle qu’elle soit, sa décision ravivera le débat. En outre, le président du gouvernement autonome basque, le nationaliste Juan José Ibarretxe, a annoncé un référendum, à l’automne, portant sur le droit du peuple basque à l’autodétermination. Demain encore, tout ramènera, en Espagne, à la question » nationale «.
Cécile Chambraud Correspondante en Espagne.
Gracias,
Armando,
Gracias a ti, hombre,
Q.-