Esplanada de los Inválidos, 11 febrero 2011. Foto JPQ, Mujeres egipcias celebran la caída de Mubarak, en París.
¿Cuales son los posibles paralelismos históricos de la sublevación de los pueblos árabes contra las tiranías que los oprimen, empobrecen y han condenado a la pobreza…?
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A ese respecto, al día de hoy, Le Monde ha publicado, con fecha del 20 de febrero, el mejor análisis que yo he leído: un diálogo pedagógico con tres historiadores, Sylvie Aprile, Henry Laurens y Pierre Hassner, analizando las similitudes y diferencias con otras “olas” de sublevaciones populares, en 1848 y 1989.
Me tomo la libertad de retomar ese debate, por su luminosa y gran calidad:
1848, 1989, 2011 Il était une fois la révolution
Depuis la chute du président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, le 14 janvier, et la démission de son homologue égyptien, Hosni Moubarak, le 11 février, des analogies sont faites entre le mouvement qui secoue le monde arabe et deux autres grandes vagues révolutionnaires, celles de 1848 et 1989. Y a-t-il des points communs dans le déclenchement des événements ?
Henry Laurens :
Nous, historiens, sommes très forts pour prédire le passé. Après coup, les événements nous semblent évidents. Nous arrivons à repérer des causes profondes et des causes immédiates qui donnent l’impression que tel ou tel événement ne pouvait pas ne pas advenir. Reste que ce qui vient de se passer a surpris les observateurs comme les acteurs eux-mêmes. Cela nous rappelle ceci d’essentiel : tout événement a quelque chose de fondamentalement mystérieux, surtout quand il s’agit d’une révolution.
Pierre Hassner :
C’était la même chose en 1989. On disait à l’Ouest que le système communiste était à bout de souffle. Des livres, tels La Chute finale, d’Emmanuel Todd (1976), ou Grand Failure, de Zbigniew Brzezinski (1989), avaient paru sur ce thème. Et, pourtant, nous avons éprouvé la même surprise qu’aujourd’hui : personne n’avait imaginé que le système s’effondrerait à cette date-là et de cette façon-là.
Sylvie Aprile :
Ce qu’on peut dire, toutefois, c’est qu’il y a, sinon des causes, du moins des conditions qui favorisent l’éclatement des révolutions. Ainsi, l’un des points communs entre l’Europe de 1848 et certains Etats du monde arabe d’aujourd’hui, comme la Tunisie et l’Egypte, c’est un climat comparable de difficultés économiques et sociales et de flambée des prix agricoles. De ce point de vue, les parallèles sont très frappants.
H.L. :
Je suis d’accord, mais cela ne suffit pas pour que des régimes s’effondrent. Pour cela, il faut que les peuples soient habités par deux autres sentiments : l’exigence de dignité et le refus de la peur. A un moment, les gens se disent qu’ils n’ont aucune raison de continuer à être traités comme ils l’ont été pendant des années, ils revendiquent une dignité qui leur a été refusée jusque-là, et ils découvrent du jour au lendemain qu’ils n’ont plus peur du régime qui les a terrorisés pendant si longtemps. En 1848, Lamartine parlait de ” révolution du mépris “. La formule vaut pour Ben Ali ou Moubarak comme elle valait pour Louis-Philippe : leurs régimes se sont effondrés parce qu’ils n’inspiraient plus la crainte mais le dédain, qu’ils étaient devenus illégitimes.
De quoi ce sentiment d’illégitimité se nourrit-il ?
S.A. :
Deux ingrédients se mêlent : l’usure du pouvoir et la corruption du régime. Comme pour Ben Ali, les affaires ont contribué à miner l’autorité de Louis-Philippe. En 1848, la monarchie de Juillet était affaiblie par des scandales retentissants, comme l’affaire Teste-Cubières et l’affaire Choiseul-Praslin. Mais c’est aussi la campagne des banquets – des dizaines de rassemblements organisés pour contourner l’interdiction de réunion, en 1847-1848 – et l’interdiction d’un banquet républicain à Paris, ainsi que la montée des revendications sociales, qui ont fait descendre les gens dans la rue.
Cela ne vaut toutefois que pour la France. A contrario, le pape Pie IX, élu en 1846, avait suscité une grande vague d’espérances dans les Etats pontificaux mais aussi dans toute l’Italie, avec ses concessions libérales. Ces espérances sont cependant vite déçues, et Pie IX désavoue les mouvements qui agitent la Péninsule, devenant le pape conservateur que l’on connaît.
H.L. :
Dix ans plus tôt, Louis-Philippe avait résisté à des assauts beaucoup plus violents. Mais son pouvoir était à l’époque plus solide.
P.H. :
Cette notion d’illégitimité est essentielle. Seule la Pologne, dès 1980, donne l’exemple d’une révolution pacifique, venue d’en bas, portée par un mouvement de masse, réprimée puis victorieuse. Ce qui me frappe, quand je repense à 1989, c’est que cette illégitimité était ressentie par le pouvoir lui-même. C’est de tout en haut, c’est-à-dire de Mikhaïl Gorbatchev, qu’est venue la remise en cause du système. Certains gouvernants se sont engouffrés dans la brèche, et ce à la plus grande surprise des gens. Ainsi, quand les dirigeants communistes hongrois ont organisé leur fameuse table ronde avec l’opposition démocratique, au printemps 1989, tout le monde a été très étonné. C’est comme si les élites avaient fini par perdre confiance en elles-mêmes. Là aussi, la peur s’est dissipée, et tout s’est enchaîné.
Ce qui frappe les esprits, c’est l’effet domino, le fait que des régimes voisins vacillent presque en même temps. Comment l’expliquer ?
H.L. :
Aujourd’hui, Al-Jazira joue un rôle central. La présence de cette chaîne de télévision dans tout le Moyen-Orient, ” du Golfe à l’océan “, selon l’expression consacrée, a fait bien plus que bouleverser la circulation de l’information : elle a recréé le monde arabe comme espace politique commun. C’est fondamental.
P.H. :
La conscience d’une appartenance à un même ensemble géopolitique était beaucoup plus évidente en 1989. Pourtant, les liens entre les différents mouvements d’opposition étaient assez minces à l’époque. Bien sûr, il y avait un média comme Radio Free Europe. Pendant la guerre froide, cette station basée à Munich a joué un rôle ponctuel, par exemple lors de la révolte des ouvriers de Berlin-Est, en 1953, ou lors du soulèvement de Budapest, en 1956. Mais, en 1989, ce média n’a pas joué un rôle particulier. D’une façon générale, les échanges entre les pays ont été rares. Il y a bien eu une rencontre entre dissidents tchèques et polonais, notamment Vaclav Havel et Adam Michnik, sur les monts Tatras, dans les Carpates, mais, pour le reste, les oppositions sont restées assez repliées sur elles-mêmes, surtout occupées à surveiller l’attitude des Russes et des Américains.
S.A. :
En 1848, le télégraphe a joué un rôle dans la diffusion des nouvelles. C’est une période où la diffusion des informations et des rumeurs s’accélère : une nouvelle met six jours pour aller de Londres à Leipzig. Une période, aussi, où les hommes et les idées circulent beaucoup. On ne comprend rien au ” printemps des peuples ” de 1848 sans prendre en compte l’existence de réseaux d’intellectuels européens, comme Marx ou Mazzini, qui sillonnent l’Europe et écrivent dans des journaux étrangers, anglais notamment. Marx est en 1845 à Paris, puis jusqu’en 1848 à Bruxelles, où il rédige avec Engels le Manifeste du parti communiste.
H.L. :
Permettez-moi quand même d’insister sur le rôle absolument central que jouent aujourd’hui les moyens de communication modernes dans la mobilisation sociale. De ce point de vue, les événements en Tunisie ou en Egypte font penser à ce qui s’est passé aux Philippines en 2001 ou en Ukraine en 2004, bien plus qu’aux ” révolutions de velours ” de 1989. L’idée est qu’avec très peu de moyens au départ, très peu de moyens armés notamment, et pas vraiment de leaders connus non plus, mais, à l’inverse, une parfaite maîtrise des outils de communication, l’on peut faire passer des mots d’ordre extrêmement rapidement à un très grand nombre de personnes et partout dans le pays.
Ce dernier point est très important : c’est toute la Tunisie, à commencer par les provinces, qui s’est soulevée. De même en Egypte : le fait que toutes les caméras aient été postées place Tahrir, au Caire, ne doit pas faire oublier que l’ensemble du pays s’est embrasé, d’Alexandrie à Suez en passant par les agglomérations du delta du Nil. Aujourd’hui, toute dictature doit craindre Facebook ou Twitter.
A condition que l’armée n’intervienne pas. Sur ce point aussi, il y a des analogies entre les trois périodes…
P.H. :
Dans le bloc de l’Est, tout s’est joué, en effet, le jour où Gorbatchev a affirmé que l’armée soviétique n’interviendrait pas, contrairement à ce qui s’était passé en 1956 à Budapest et à Prague en 1968. Cela me fait penser à une remarque de l’économiste italien Vilfredo Pareto, que citait souvent Raymond Aron dans ses séminaires : en 1789, Louis XVI n’a pas fait tirer sur les insurgés, parce que la monarchie était déjà fragilisée psychologiquement. La bourgeoisie triomphante de 1848 ou de 1871, elle, n’a pas hésité…
S.A. :
En 1848, il faut distinguer les moments et les lieux. En France, en février, la garde nationale fraternise avec les ” émeutiers “, tandis que, en juin, on fait appel aux militaires d’Algérie pour les réprimer. Dans les Etats d’Europe orientale comme l’Autriche, les forces armées restent fidèles aux régimes et permettent la reprise en main des capitales qui avaient chassé les monarques. Elles ont aussi à combattre dans de véritables guerres d’indépendance en Italie et en Hongrie.
Au-delà d’une commune aspiration à la liberté, les projets politiques de ces trois ” printemps des peuples ” sont-ils comparables ?
H.L. :
Ce qui me frappe, aujourd’hui, c’est la dimension nationale des soulèvements. Regardez les drapeaux qui sont brandis : ce sont en très grande majorité des drapeaux nationaux, pas des drapeaux rouges ni des drapeaux verts. Les peuples se réapproprient leur histoire dans le cadre national, même si le mouvement se fait à une échelle internationale.
S.A. :
De ce point de vue, il y a des similitudes avec 1848. A l’époque, partout en Europe, les mouvements démocratiques procèdent d’un sentiment national, unitaire ou séparatiste, surtout quand les nations qui se révoltent n’ont pas d’Etat – je pense notamment aux Polonais, aux Hongrois… Même en France, qui était déjà un Etat-nation achevé, l’un des deux principaux journaux de l’opposition républicaine et patriote s’appelait Le National. La révolution est une façon de s’approprier la nation.
P.H. :
Pour le coup, je vois une différence avec 1989. La dimension nationale, voire nationaliste, avait été présente durant la guerre froide, par exemple chez les Hongrois en 1956, mais elle le fut beaucoup moins au moment où le bloc communiste s’est effondré. Cela s’explique par le fait que l’horizon était alors celui de la démocratie occidentale. Bien sûr, il ne faut pas généraliser. Le cas de l’Allemagne est de ce point de vue significatif. Au début, les manifestants avaient pour slogan : “ Wir sind das Volk ” (” le peuple, c’est nous “). Puis, au bout de quelques jours, certains ont commencé à dire : ” Wir sind ein Volk ” ” nous sommes un seul peuple “). Preuve que l’aspiration à la réunification nationale, qui n’était pas centrale dans les têtes des élites dissidentes, était quand même profonde dans la population.
La grande interrogation concerne la tournure que vont prendre les événements dans le monde arabe. Y a-t-il des leçons à tirer des expériences passées ?
S.A. :
La principale leçon, c’est que les révolutions laissent ouvert un immense champ des possibles. Dans la France de 1848, certains rêvent de la République tout court, d’autres, vaincus au bout de quelques semaines, de la République sociale. Ailleurs, on espère au moins la mise en oeuvre d’une monarchie constitutionnelle et d’une Assemblée élue au suffrage universel.
P.H. :
En 1989, des dissidents comme Vaclav Havel ou Alexandre Soljenitsyne rêvaient, pour l’Europe de l’Est, d’une sorte de troisième voie entre socialisme et capitalisme. Mais, dès les premières élections, leurs illusions ont volé en éclats. Les scrutins, le plus souvent, ont été remportés par des chrétiens-démocrates qui dénigraient une telle idée en affirmant : ” La troisième voie, c’est le tiers-monde. ” Les peuples, à l’époque, voulaient surtout la prospérité, l’abondance. Le rouleau compresseur capitaliste l’a emporté presque partout. Autrement dit, le rêve d’un socialisme à visage humain n’a pas résisté à la réalité des faits. En 1991, j’ai écrit un article disant que la troisième voie viendrait peut-être dans une troisième phase. Mon idée était la suivante : après avoir connu le communisme, il est normal que les peuples commencent par se tourner vers ce qu’il y a de plus opposé, un capitalisme de type thatchérien ou reaganien. Puis, voyant les inégalités se creuser, il est naturel qu’ils tentent autre chose, qui peut être un compromis social-démocrate, le retour des communistes ou un national-populisme autoritaire, comme celui qui menace en Hongrie aujourd’hui.
H.L. :
Ce que j’observe, aujourd’hui, c’est qu’on peut en effet tout imaginer. Au niveau des régimes, rien ne dit que les peuples ne se contenteront pas des institutions existantes, à condition toutefois qu’elles fonctionnent en respectant des règles qui ont été bafouées jusque-là.
A côté de cela, il y a des projets politiques. Celui des Frères musulmans, par exemple. Ils ont en tête un vrai modèle de société, de type corporatiste ou solidariste. Le problème est que, en cas de mouvements sociaux, les Frères musulmans ont tendance à se ranger du côté des patrons. Cela risque de leur poser des problèmes si les revendications sociales l’emportent.
A ce stade, beaucoup d’observateurs espèrent que les islamistes égyptiens évolueront vers un islamisme à la turque, un islamisme occidentalo-compatible. L’historien que je suis sait par expérience que toutes les prédictions sont hasardeuses.
P.H. :
Sur ce point, je me permettrai de faire observer que l’avantage des Frères musulmans, qui sont les mieux organisés en Egypte, n’est pas décisif. Après tout, à la Libération, en France, les communistes étaient les seuls à être vraiment organisés, ils faisaient presque 30 % des voix aux élections, et pourtant ils n’ont pas pris le pouvoir. Inversement, en Pologne, Solidarinosc, dont les dirigeants sortaient de prison, a écrasé les communistes aux premières élections libres. Ce ne sont pas forcément ceux qui sont les plus organisés au départ qui finissent par l’emporter.
De même que ce sont rarement les leaders des premiers jours, ou les dissidents de retour dans leur pays après des années d’exil, qui ont le plus de chances de gouverner durablement…
H.L. :
Les exilés sont toujours dans une situation délicate. En Irak, après la chute de Saddam Hussein, en 2003, le système s’est reconstruit autour d’une caste politique qui revenait d’exil. Cela s’est passé difficilement, car beaucoup de personnes qui étaient restées en Irak, et qui avaient souffert pendant la dictature, se sont senties dépossédées. Aujourd’hui, il y a certes quelques exilés tunisiens qui reviennent, mais le phénomène n’a pas la même ampleur. Ce sont surtout des cadres binationaux franco-tunisiens de très haut niveau, qui viennent apporter leur expérience et leurs contacts.
P.H. :
En 1989, l’accueil des exilés a été différent selon les pays. En Roumanie, beaucoup se sont plaints de leur retour. En Tchécoslovaquie, comme les écrits littéraires du président Vaclav Havel avaient été publiés essentiellement par la diaspora, il a accordé une grande place à certains exilés, comme Pavel Tigrid, qui a été nommé ministre de la culture. Mais, d’une façon générale, les grandes figures de l’exil, comme les Polonais de la revue Kultura basés près de Paris, ont joué un rôle assez mineur après les révolutions. Et beaucoup ont été marginalisés assez vite.
S.A. :
En 1848 aussi, les exilés ont eu des destins assez contrastés, mais leur influence ne fut pas inexistante, loin de là. C’est le cas de Marx revenant en Allemagne, au printemps 1848, de Mazzini, l’organisateur du mouvement Jeune Europe, devenant en 1849 l’un des dirigeants de l’éphémère République romaine, ou encore de Garibaldi, qui revient à cette époque-là d’une quinzaine d’années passées en Amérique latine et s’apprête à jouer le rôle que l’on sait dans l’unification italienne.
P.H. :
Je crois, hélas, que la vocation des révolutions, c’est d’être trahies. Les hommes qui savent manifester sont souvent dépassés une fois que la révolution est faite. Regardez Vaclav Havel : il est très populaire dans le monde entier, mais il a fini par être supplanté par Vaclav Klaus, qui avait ceci en commun avec le peuple tchèque de n’avoir été ni communiste ni résistant. Les grandes figures morales ne ratent pas les révolutions : elles la font, puis elles sont marginalisées.
S.A. :
Ceux qui prennent le pouvoir, comme Lamartine, qui peut apparaître comme le héros du printemps 1848, sont parfois complètement mis sur la touche, au point de ne même pas faire 1 % des voix à l’élection présidentielle du 10 décembre 1848, à laquelle triomphe un Louis-Napoléon Bonaparte, qui n’a pris aucune part à la chute de Louis-Philippe. D’autres, comme Ledru-Rollin, qui joue encore un rôle lors de la grande manifestation républicaine réprimée du 13 juin 1849, doivent partir en exil. Quant à Kossuth, héros de la révolution hongroise, il ne rentrera jamais dans son pays et mourra à Turin en 1894, après avoir notamment dénoncé le ” compromis ” de 1867 qui mettait en place la double monarchie austro-hongroise.
H.L. :
L’ampleur du renouvellement des cadres politiques dépendra de la durée des événements. Si le système se stabilise très vite, si les gens rentrent chez eux, ils n’auront que de la nostalgie, comme en Mai 68. Si l’instabilité dure, il y aura de réels bouleversements au sein de la classe politique. Sur ce dernier point, là encore, rien n’est sûr. Mais il y a tout de même un élément dont nous n’avons pas parlé et qui peut laisser penser à une relative stabilisation à moyen terme : le tourisme. N’oubliez pas en effet qu’il s’agit là d’un élément fondamental des économies tunisienne et égyptienne. Or, si les révolutions durent, les touristes ne reviendront pas, et si les touristes ne reviennent pas, les économies s’effondrent.
Quel que soit l’avenir des révolutions, et quand bien même celles-ci seraient suivies de contre-révolutions, le retour en arrière peut-il être total ?
S. A. :
Non, et il faut insister sur ce point. Après le ” printemps des peuples “, même si globalement la contre-révolution triomphe, certains acquis demeurent : le suffrage universel ” masculin ” en France, les Constitutions octroyées en Italie et en Europe orientale, la fin du servage en Autriche-Hongrie et en Prusse. La contre-révolution s’adapte, se saisit de certaines revendications politiques en matière de presse ou de droit de vote, en en faisant même les instruments de son pouvoir.
P.H. :
Globalement, et malgré les inquiétudes que l’on peut nourrir à propos de certains régimes, comme le régime hongrois aujourd’hui, les anciens pays communistes sont devenus et sont restés des pays libres, avec de vraies élections. Pour la mise en place d’une société civique, je reconnais que c’est plus difficile. Le problème des mafias, notamment dans les Balkans, et plus généralement de la corruption, reste très préoccupant.
H.L. :
Quel que soit l’avenir du monde arabe, deux choses au moins auront changé. La première, c’est que le modèle du président à vie a pris un sérieux coup. La seconde, c’est le changement d’image que les Arabes ont d’eux-mêmes et qu’ils donnent à l’extérieur. L’image du terroriste barbu a été remplacée par l’image du militant de la place Tahrir qui, avec son balai, nettoie à la fois physiquement et métaphoriquement le désordre. Je reviens des Etats-Unis, et je peux vous dire que les Américains ont été vraiment sensibles à ces nouvelles images. Le fait qu’un certain nombre de stéréotypes fasse naufrage aura de grandes conséquences.
Propos recueillis par Jérôme Gautheret et Thomas Wieder
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1989 La fin des démocraties populaires
Aux premiers mois de l’année 1989, l’heure est à la détente. Mais aucun observateur n’imagine sérieusement que la fin du ” bloc de l’Est ” est proche. En janvier, le secrétaire général du Parti communiste est-allemand, Erich Honecker, ne déclare-t-il pas que ” dans cinquante ou cent ans, le Mur – de Berlin – sera toujours là ” ? Pourtant, en quelques mois, l’ensemble va s’effondrer.
Dès janvier, en Pologne, le gouvernement accepte de reconnaître le syndicat Solidarnosc et d’ouvrir des négociations. En mars, la Hongrie passe au multipartisme, et dès le mois de mai, le rideau de fer séparant le pays de l’Autriche commence à être démantelé. Le 25 juin, Solidarnosc remporte haut la main les premières élections polonaises libres, et le sommet du pacte de Varsovie, le 5 juillet, entérine la fin de la ” doctrine Brejnev ” de souveraineté limitée : les troupes soviétiques ne viendront pas au secours des ” pays frères “.Dès lors, l’histoire s’accélère. Les 6 et 7 octobre, lors des cérémonies des 40 ans de la RDA, la foule acclame l’homme fort de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, et conspue les dirigeants est-allemands, dont le premier d’entre eux, Erich Honecker, qui quitte le pouvoir le 18 octobre. Trois semaines plus tard, dans la soirée du 9 novembre, le mur de Berlin tombe. Même les régimes les plus solides vacillent : le 10 novembre, Todor Jivkov, qui dirigeait d’une main de fer la Bulgarie, est limogé du comité central et quitte ses fonctions de chef de l’Etat. Vient ensuite le tour de la Tchécoslovaquie. Le 10 décembre, le président Husak démissionne de ses fonctions. L’année se termine par les soubresauts de la dramatique révolution roumaine : le président Nicolae Ceausescu et son épouse sont exécutés le 25 décembre. Et par un événement plus lumineux : le 29 décembre, l’ancien dissident Vaclav Havel devient président de la Tchécoslovaquie.
2011 Le monde arabe en ébullition
Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune marchand de fruits et légumes, s’immole par le feu à Sidi Bouzid, au centre-ouest de la Tunisie, après s’être fait confisquer sa marchandise. Dans les jours qui suivent, les manifestations se multiplient dans l’ensemble du pays, avec bientôt pour principal slogan un mot, destiné au président Zine El-Abidine Ben Ali : ” Dégage ! ” Le 14 janvier 2011, après vingt-trois ans de règne, celui-ci s’enfuit en Arabie saoudite. Scandé dans les défilés tunisiens, le mot d’ordre ” Dégage ! ” ne tarde pas à se répandre dans tout le monde arabe.
Dix jours après Ben Ali, c’est un autre président, l’Egyptien Hosni Moubarak, qui se trouve sur la sellette. Malgré sa résistance, après près de trois semaines d’hésitation entre répression et concessions à la foule, le chef d’Etat égyptien doit se résoudre à quitter Le Caire pour Charm El-Cheikh, le 11 février, et à abandonner le pouvoir à l’armée. C’est la fin de trente ans d’un pouvoir sans partage.
Depuis, les troubles qui agitent le monde arabe, du Maghreb au golfe Persique, ont redoublé d’intensité. En Libye, au Yémen ou à Bahreïn, la répression des émeutes a fait plusieurs morts.
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Angel says
Me voy a poner tonto: ¿revolución? ¿revuelta? ¿sublevación?
¿No será que estamos aturdidos y no sabemos exactamente a qué nos enfrentamos?
Un abrazo matutino desde una soleada Sevilla
JP Quiñonero says
Àngel,
Pues vaya usted a saber… soy proclive a escribir revuelta, en recuerdo de TEL y sus Pillars of Wisdom; utilizando el plural de pueblos claro, por razones que debieran saltar a la vista. Dicho todo eso… historiadores vendrán, contándonos como las elites construyeron palacios y museos para liberar al populacho y devolver el orgullo patriótico, madre del señor, Clase contra clase, si,
Q.-
JLG says
He leído la mitad del debate. Lo he dejado, pese a su interés, porque merece ser guardado y ser leído más detenidamente. Gracias por traerlo.
“Le Monde” está haciendo un seguimiento realmente bueno de las revueltas/revoluciones de Oriente Próximo, ¿no crees? En los últimos días he podido leer a gente como Touraine, Olivier Roy, Georges Corm, André Glucksmann…Una suma de opiniones heterógenea -como debe ser, siempre es buena la diversidad de opiniones- y sólida.
En España, pese a haber también algunos buenos periodistas, analistas o historiadores, quiero pensar en un periódico que haya hecho un seguimiento tan bueno, y no encuentro ninguno. Quizás el que más se acerque sea “El País”. Pero no nos engañemos, el que los franceses tengan periódicos como “Le Monde” o “Le Figaro”, por no hablar de su multiplicidad de revistas magníficas, dice mucho de un nivel cultural superior al que disfrutamos en Carpetovetonia.
Alfonso Sastre hablaba el otro día de culturas traducidas (las culturas centrales, p.ej. la francesa) y culturas traductoras (las periféricas, p.ej. la española). Tengo, no obstante, esperanza. Hay nombres sobresalientes en filosofía, literatura y pensamiento a los que se mantiene marginados porque, al contrario que los franceses, chez nous somos bastante cazurros.
P.D. Siento tanto desviarme tanto del tema, pero mi fascinación francófila me ha traicionado.
JP Quiñonero says
JLG,
Bueno… el Economist publica una excepcional calidad, y el NYT, claro, y…
Q.-
JLG says
Pues a mí no me ha convencido mucho la sección de opinión de NYT sobre estos temas. “The Economist” lo leo -de hecho, aquí tan subversivo como aparento, estoy suscrito a la versión escrita- pero me parece un tanto “unidireccional”, o “unidimensional”, o como quieras decirlo.
Jordi says
Coincido con JLG. El debate le da una dimension nueva a mi percepcion de lo que pasa estos dias. Ligar los dos grandes periodos de cambio (por no meterme en batallas semanticas) con los toques actuales, como Al Jazeera, con el realismo del que ha “visto” similares caminos y sus desvios antes… Chapeau!
Hoy empieza a haber movimiento en Marruecos… Caera realmente la imagen de terrorista barbudo de los musulmanes?
JP Quiñonero says
JLG, Jordi…
JLG,
Las cuestiones de opinión NO suelo leerlas casi nunca. Solo deseo aprender, no recibir hisopazos opinativos. La información del NYT y la del Economist me parece la mejor información del mundo, con Mucho, Muy Mucho, quiero decir.
Jordi,
La sublevación o sublevaciones en curso también ponen de manifiesto la revolución cultural con la que culmina la explosión demográfica de los últimos años. A mi modo de ver, esa es la madre de todas las cuestiones, really: Caída del Muro árabe y revolución cultural,
Q.-
Jordi says
Revolucion cultural… Tambien en la percepcion de los musulmanes en Occidente?
JP Quiñonero says
Jordi,
Revolución cultural de los jóvenes musulmanes,only. Europa es un continente encantado con su ocaso / eclipse histórico, los EE.UU. forcejan a solas con China…
Q.-
Jordi says
Quinyo, cada tema con su loco, claro…
Daily Show: Mandvi – Allah in the Family
JP Quiñonero says
Efectivamente, Jordi, efectivamente…
–Musulmanas ricas, musulmanes financieros.
–París. Padres e hijas musulmanas.
Q.-
Robert says
JPQ – los EE.UU. estan dando a China el control de nuestra economia. Con el deficit gigantico, estamos destruiendo nuestro futuro.
Jordi – Un mejor ejemplo seria el ventriliquía de Jeff Dunham. Aquí esta su video, y su muñeco, Achmed el terrorista muerto.
JP Quiñonero says
Robert,
La crisis, la decadencia del imperio, Bizancio, los nacionalismos y Europa,
Q.-
Jordi says
Robert,
Robert says
Es verdad. El ventrílocuo empezó diciendo que Achmed no sea musulman para evitar de ser blanco de islamistas terroristas.
Según el muñeco que lleva un turbante dice que se hizó en la China, pero en un chiste gritó el nombre de Ala en vez de Dios. Dunham hace paseos en la valla.
Los DVDs de Dunham estan prohibido en Africa del sur a causa de la corrección política en eso país. Eso pasó por ahí porque los musulmanes poco profundos no sean tolerantes. Un caricaturista
danés que criticaba el matar a civiles se metió de un hacha en su casa aprendiendo la misma lección multicultural.
Sé bien que cada religión tiene anomalías y cada escritura contiene muchas paradojas. Kumbaya… I kill you. Achmed es un gran chiste acerca de los musulmanes.
Jordi says
O sea que lo que nos cuenta Dunham es que todos los musulmanes son oficialmente terroristas. Pues que alguien se lo cuente a Kareem Abdul Jabbar o a Mohammad Ali, que igual hasta los recuperamos para la causa!
Robert says
…y Cat Stevens, cantador antiguo de la generación hippie. Eso no me hace estar de acuerdo con la validez de sus ideas.
El Islam es el tribalismo mezclado con la satisfacción de sí mismo, un local problema social que ahora quiere internacionalizarse.
Mahoma, el muchacho central de Islam mató a otras personas y arrojó sus cuerpos a un pozo. El profeta mató a gente. Era espiritualmente insolvente.
Se casó y tuvo relaciones sexuales con una niña de 9 años. Aisa bint Abi Bakr de 9 años. Está perversa la misma idea en varios modos.
Según lo que se escrita en su libro, era un antisemita violente que predicó la intolerancia. Los judios son bichos. ¡Andele, profeta! ¡Que religión!
Han hecho una ideológia de ideas rotas y violencia. Es una religión que arruina el alma. Gracias, no me gusta.
Jordi says
Robert,
No te gustaran las ideas de Cat Stevens. A lo mejor ni te gusta como jugaba Jabbar o la actitud chulesca de Ali. Pero los consideras terroristas en potencia? Lo digo porque son musulmanes.
Al respecto de lo segundo, creo que nadie en Egipto ni en Tunez ni en Libia esta ahora mismo preocupado por convencerte de convertirte al Islam. De verdad. Tienen cosas mejores que hacer. De lo que se trata aqui es de darle una oportunidad a esas personas de decidir su futuro de la manera que crean conveniente, sin etiquetas y expectativas tintadas de prejuicios. De ver de una vez por todas si el Islam es completamente incompatible con la democracia, como algunos casi parece que desean con fervor.
Robert says
Jordi-“No te gustaran las ideas de Cat Stevens.”
Me gustan mucho sus canciones ( del principio ) pero Cat Stevens dijo que él le mataria al escritor Rushdie a causa de la publicacion de su libro, Versos satanicos.
Desde luego ¿quien está más satanico, Rushdie con su pluma o Stevens con sus amenazas mortíferos islamicos ? Señor Rushdie nunca ha amenazado de matar a nadie.
Jordi-“Pero los consideras terroristas en potencia?”
Si. En potencia, obviamente solamente en el sentido hipotético. El problema se ubica en el Koran. Dentro del libro hay ordenes del profeta y suplicaciones de matar a infieles ( despues de un amenaza oficial, lo que hizó aquí Bin Laden ).
Y los Saudies no pueden editar eso libro… porque se escritó en las estrellas. (suspiro)
¿Cual es la diferencia entre un musulman en calma y un psiquiatra profesional Hasan que saltaria sobre una mesa, gritaria Ala Akbar y mataria a 13 personas ?
Jordi-“… creo que nadie en Egipto ni en Tunez ni en Libia esta ahora mismo preocupado por convencerte de convertirte al Islam.”
Estoy completamente de acuerdo con los musulmanes que crean que esa region necesita irse de la oscuridad.
Hay musulmanes que quieren irse del Islam, pero según
las reglas de esa religion, merecen la pena de muerte.
Jordi-“…De ver de una vez por todas si el Islam es completamente incompatible con la democracia…”
A mi… ya estoy cansado de la Edad Media.